Lucas.
J'ai onze an é je sui fou.
Lucas pose son stylo. « C'est un bon début »,
se dit-il.
C'est un bon début, mais après ? Ecrire c'est
pas son truc à Lucas ! Il serait plutôt du genre sportif,
enfin « physique » comme ils disent les « spécialistes »,
les « psy » qu'il voit depuis…longtemps,
des années en fait.
Il écrit "fou" pour attaquer fort, mais les psys
ils appellent pas ça, enfin lui, comme ça. Il a essayé d'écouter
un jour, quand l'un d'eux parlait avec sa mère,
il lui a sorti un mot hyper compliqué, un truc du genre « hyper »,
justement…kinétic ? Voilà c'était ça
: hyperkinétique ! Il se rappelle, une série de lettres,
un « sigle », c'est comme ça que ça
se dit, THDAH, ça sonne bien quand on le dit vite: téachedéaache,
mais sa mère a tranché : elle trouvait que « trouble
hyperkinétique avec déficit de l'attention et
hyperactivité » c'était un peu difficile à se
rappeler, elle a dit : « Bref, il est fada ! »
Le psy a répondu « Non madame, ne parlez pas comme ça,
Lucas n'est pas fou mais il a manifestement quelques problèmes.» mais
pour sa mère son cas était catalogué : barjot,
chtarbé, niqué de la tête, une fois pour toutes.
J'ai onze an é je hai ma mère !
Alors là il est content de lui, il lui en donne pour sa thune à sa
nouvelle psy, c'est son idée de lui faire écrire
tout ce qu'il pense…
En fait, avant, il aurait même pas essayé, mais c'est
Mireille, son assistante qui a été si gentille avec
lui, il a pas pu refuser et le voilà devant cette feuille,
stylo en main… il laisserait bien tomber mais pour une fois
qu'il trouve quelqu'un pour le traiter aussi gentiment
que cette Mireille, et elle est si belle, si belle, il veut pas la
décevoir…Alors il se lance et commence à raconter, à écrire
ligne après ligne à sa manière, il n'est
pas très bon, il fait plein de fautes mais il écrit,
il raconte tout, comme ça lui vient…
Sa mère…il ne la hait pas vraiment, il a écrit ça
pour faire l'intéressant, mais il l'aime quand
même plus beaucoup…elle est tellement pas « aimable »…Toujours énervée,
elle crie, crie tout le temps, chaque contrariété la
rend hystérique…et puis elle est toujours fatiguée,
ne fait pas la cuisine, n'entretient pas la maison, faut dire
que lui et son petit frère Jérémy l'aident
guère, c'est vrai…Ils cassent, défoncent
les canapés, laissent tout en vrac derrière eux, alors
elle hurle …sans résultat, ils ont l'habitude…Et
puis il y a ses « fiancés » comme elle les appelle
! « Fiancés » c'est ridicule pense Lucas,
pour lui un fiancé ça devrait être jeune, joli,
alors que là…Ils sont tous plus moches les uns que
les autres, et vilains c'est pas grave, mais souvent sales,
rarement sympas, certains sont de plus picoleurs, cogneurs, surtout
après lui, Lucas, qui peut pas les piffrer et qui leur tient
tête. Son frère Jérémy est plus malin,
il joue les angéliques à la perfection et sait se faire
oublier…Et puis sa mère, elle fume, fume tellement,
elle pue le tabac froid… Son odeur le dégoûte,
il ose pas écrire « dégoûte » pour
parler de sa mère, il cherche un autre mot, mais non, ne trouve
pas, tant pis « dégoûte », c'est écrit
! Aussi elle se fringue mal, enfin, comme une…jeune, ça
l'énerve de la voir habillée comme les filles
de sa classe…Et elle est maigre, si maigre et rousse, enfin
teintée plus ou moins en rousse…Le pire c'est
qu'il lui ressemble beaucoup, maigre et rouquin justement,
c'est…pénible…
Bref, il n'aime pas sa mère ! Ni son frère, tiens,
Jérémy la teigne, enfin son demi-frère, son
père a été un des « fiancés » disparus.
Depuis qu'il est né sa mère s'occupe que
de lui, y en a que pour lui, elle lui donne toujours raison, il faut
dire qu'il sait y faire pour jouer les victimes…et il
est joli en plus, normal: son père était sûrement
le plus beau des « fiancés », pas étonnant
que sa mère en ait été si amoureuse, mais l'autre
l'a laissée
tomber dès qu'elle a été enceinte. Lucas
se rappelle son désespoir, à l'époque
il l'aimait encore bien sa mère, mais elle a tant changé après
la naissance de Jérémy…l'enfant de son « amour »,
beurk ! C'est sûr que son père à lui, Lucas,
risque pas de laisser des regrets: un jour, ils passaient devant
une cabane de tôles, dans une ville minable et sa mère
lui dit : « Tiens la baraque à ton clochard de père »…
Et son frère, tout joli qu'il est, est malade, il dort
jamais, enfin le jour en classe ça il roupille, un vrai turbo,
mais la nuit il se réveille 15 fois, et réclame sa
mère, et pisse au lit et gémit…Lucas ne se souvient
plus d'une nuit entière de sommeil…Il essaye
de se boucher les oreilles, mais rien n'y fait, et en plus
il a besoin de lumière le Jérémy, il a peur
du noir, et Lucas aime tant dormir dans l'obscurité !
Mais évidemment c'est de l'autre qu'on s'occupe
et il lui faut sa loupiote allumée, et cette lampe est devenue
une obsession pour Lucas, il ne voit plus qu'elle, il la « sent » sur
ses yeux, la lumière traverse ses paupières, lui grille
la rétine, ça remonte jusque dans sa tête…
Lucas raconte tout ça, il écrit, écrit, n'arrête
plus, il est lancé …Il se raconte lui, se décrit,
maigre, roux, il l'a dit déjà, plein de tics,
enfin des « tics voulus », il aime ça, grimacer,
faire des gestes, cracher, pousser des cris bizarres, pourquoi il
sait pas mais ça lui procure une sorte de plaisir, peut-être
parce que ça attire l'oeil des gens, ça impressionne
les autres enfants…Il a remarqué qu'à la
longue certains ont une tendance à l'imiter, alors il
se lâche…
Il a toujours une bande avec lui, qui le suit et le craint, faut
dire qu'il est fascinant pour eux, il accomplit des prouesses
avec une facilité déconcertante : il peut grimper sur
n'importe quoi avec une agilité de singe, à des
hauteurs vertigineuses sans aucun vertige, il est habile avec tous
les objets, bat n'importe qui au ping-pong, tennis, badminton,
il jongle au foot comme personne, il lance des caillasses à des
distances stupéfiantes…
Il a ses « protégés » aussi, une vraie
petite cour des miracles de faiblards, bigleux, même un boiteux
qui l'adulent car il les protège, il rentre dedans n'importe
quel costaud qui harcèle un malingre, et lui gagne toujours,
il est terrible. Il se bat pas comme un enfant, il sait où frapper
pour faire mal ou casser, avec les pieds ou la tête, rarement
les poings ça fait trop mal aux mains…Mais c'est
une vraie malédiction car du coup tous les caïds veulent
le défier à tour de rôle ou pire, poussent un
pauvre idiot à le provoquer…Il essaye toujours de biaiser,
de pas se battre, il propose à « l'autre » de
laisser tomber, à voix basse…Mais presque toujours
ils fanfaronnent les bouffons, croient que c'est lui, Lucas,
qui se dégonfle.
Sauf un, le petit Kader, vraiment petit qui avait été forcé par
sa bande à le provoquer, lui, Lucas ! Et il était si
petit et chétif, le Kader, si joli aussi, avec ses grands
yeux gentils que Lucas lui avait promis à voix basse de le
protéger s'il renonçait…Le Kader avait
saisi sa chance et accepté l'offre…Et Lucas avait
respecté le deal, quand la « bande » à Kader
avait voulu lui faire payer sa trahison, Lucas les avait « choppés » en
dehors de l'école, un après l'autre…Depuis
Kader et lui ne se quittaient plus, et Kader en plus s'était
mis à travailler et être bon en classe, Lucas le couvait,
il était aussi ravi que lui à chaque bonne note, il
avait l'impression d'y être pour quelque chose...
Mais pour les autres pas de pitié, en trois coups terribles
ils sont par terre, une dent ou un doigt cassé, à se
tordre de douleur. Et lui finit chez le proviseur, il passe pour
le provocateur de bagarre en chef, alors qu'au fond il voudrait
juste qu'on l'oublie, il n'aime même pas ça,
la bagarre…
En classe il n'écoute presque pas, il a tant de mal à fixer
son attention sur ce que
racontent les profs, et au fil des années l'écart
s'est creusé entre lui et les autres élèves,
en fait il ne sait souvent même plus de quoi ils parlent…Et
il est si fatigué, il a tant sommeil, il lutte tellement pour
pas dormir que…ça l'épuise ! Alors comprendre
un cours c'est devenu simplement hors de portée, il
se fait houspiller par les profs qui pensent tous qu'il y met
de la mauvaise volonté, ces idiots !
Il voudrait tant leur expliquer mais comment ? Il réalise
qu'il ne rattrapera jamais les autres élèves
et ça le désespère, souvent il en pleurerait,
mais il est si fier, il ne faut rien montrer, jamais! Mais il aimerait
tant apprendre lui aussi, l'Anglais par exemple, il rêve
de parler cette langue, comprendre ce que racontent ses chanteurs
préférés… Pourtant il sait plein de choses,
sur les bestioles, tiens, il est capable de les observer des heures,
il en connaît un rayon. Il part souvent se balader seul dans
les collines, il est très fort pour surprendre les grosses
bêtes en approchant sans bruit mais il adore aussi les petites,
toutes les créatures l'intéressent, même
celles qui font si peur aux autres enfants. Il soulève les
pierres, découvre un monde fascinant, des scolopendres (quel
beau nom), des araignées incroyables, une maman scorpion un
jour avec ses petits sur le dos. Il n'a peur de rien, peut
tout attraper sans crainte, au grand effarement des copains, surtout
les filles, il adore frimer en capturant…des guêpes
avec les mains, il sait comment éviter de se faire piquer
(et puis bof une piqûre c'est rien pour lui, il s'en
fiche de la douleur).
Encore un sujet de bagarre, tiens, les bêtes…il supporte
pas qu'on les martyrise, alors badaboum, cassage de gueule
obligé du tourmenteur animalier surpris par le Lucas…
Lucas repose son stylo. Ca fait des heures qu'il écrit,
il a l'impression de sortir d'un rêve… « Cette
psy elle est pas con » il pense…Pourtant il en a vu
des psys (et usé autant) mais celle-là a la manière,
elle plaisante, lui pose des questions sur ses envies, sur ce qu'il
aime faire…Lui il frime, ment effrontément, s'invente
des actions valorisantes mais elle laisse passer, du coup c'est
lui qui rectifie quand il réalise qu'il exagère
vraiment trop, il se sent un peu idiot d'en rajouter…Elle
est moche, enfin selon ses critères. Très grande avec
des cheveux gris, des yeux bleus plutôt beaux, mais « carrée »,
costaude, il pense qu'elle a dû être nageuse ou
un sport comme ça, avant ! Il vient avec plaisir aux « séances »,
il a pris goût à écrire son histoire, ça
le détend…
Et il y a MIREILLE son assistante et celle-là il l'a
aimée au premier regard…Elle doit avoir l'âge
de sa mère mais elle est brune, elle sent si bon, elle rit
tout le temps, quel sourire, quelles dents blanches…Elle est
si caressante, bizouilleuse, enveloppeuse dans ses bras dodus, car
elle est grosse, enfin pas énorme mais quand même, elle
est pleine de ronds, il adore tant quand elle lui fait la bise, c'est
si…confortable, on voudrait s'endormir dans ses bras, son
rêve…Rien à voir avec sa mère, beurk,
non pas le droit de penser « beurk » de maman, c'est
pas bien, pas sa faute…Mais quand même, pourquoi elle
fait pas un effort? Ses dents, tiens, pourquoi elle fait pas un effort
pour ses dents jaunies par le tabac? Pourquoi il a pas pu choisir
sa mère? La Mireille lui fait penser à une actrice
de cinéma italienne dans un vieux film, Sophia Loren, mais
en plus doux, on a l'impression qu'elle se mettrait jamais
en colère, et puis pour quoi faire? Lucas a l'impression
que tout doit être si douillet près d'elle, si
facile, ça doit être si reposant, une vraie…maman,
justement, comme il en rêve ! Lucas se dit qu'il pourrait
même être un bon élève aupres d'une mère
pareille!
Elle a une fille, Louisa, une grande brune assez jolie, qui est dans
la même classe que Lucas. Une des « inteloss »,
comme elles sont nommées par les autres, c'est un cercle
fermé de filles, qui restent entre elles, ne se mêlent
guère aux autres enfants, sans être bêcheuses
ou antipathiques, Lucas les aimerait plutôt bien, mais elles
sont trop…avancées, elles savent plein de trucs, par
exemple chacune d'elles parle une autre langue, elles voyagent.
Leurs parents sont différents aussi, ils ont tous l'air
d'être là de passage, certains sont carrément étrangers.
C'est le groupe des « meilleures » de la classe,
pourtant elles ne semblent pas produire des tonnes d'efforts,
elles font plein d'autres activités: théâtre,
musique, danse…Bon, pour le sport, c'est pas leur truc, ça
va de la vraie feignasse à la maladroite empotée mais
c'est bien la seule activité dans laquelle elles sont
pas bonnes !
Lucas revient plusieurs jours chez la psy, et écrit, noircit
des pages. Il n'a jamais pris autant de plaisir à être
enfermé, à s'asseoir, au calme…Mireille
l'encourage gentiment à chaque fois qu'elle passe à côté du
bureau où il travaille. Ca lui fait chaque fois comme un coup
de chaleur douce en "dedans"! Puis arrive un matin où il
se découvre à sec d'idées, il a beau se
creuser la caboche il trouve qu'il a tout dit. Il donne fièrement
sa liasse de feuillets à Mireille, profite d'une dernière
embrassade parfumée et s'en va…
Quelques jours après, il est avec sa mère à attendre
chez la psy, ils ont rendez-vous…Sa mère est pressée, énervée
comme d'habitude, consulte sa montre sans arrêt, trépigne
sur sa chaise. Lucas voudrait l'attacher et la bâillonner,
juste pour la voir fixe ! L'idée le fait rigoler…
« Pourquoi tu te marres comme un débile ? » demande-t-elle
délicatement…
« Quelle chieu…NON, pas penser du mal de maman, pas
bien, …mais quand même, quelle c… ».
La porte s'ouvre, Mireille les fait entrer dans le bureau de
la psy, s'assoit avec eux…Tiens c'est nouveau ça…La
psy commence à parler…Explique à sa mère
que Lucas a beaucoup progressé, que les séances lui
ont fait du bien…Il décroche, bercé par le ton égal
de la psy…Il lorgne vers Mireille qui lui sourit gentiment… « En
fait il faudrait que Lucas parte en vacances. »
_ Si vous croyez que j'ai les moyens de lui offrir des vacances » répond
sa mère hargneusement.
« Mais oui tu as les moyens », pense Lucas, « si
tu arrêtais de fumer tu économiserais au moins 2000
euros par an… » (Il a fait le calcul, un jour, l'énormité de
la somme l'a sidéré)…
« C'est pour ça que Mireille, qui aime beaucoup
Lucas, propose si vous êtes d'accord d'emmener
Lucas à la montagne… »
Lucas bondit ! Quoi, la montagne ? Avec Mireille ? Lucas ne peut
retenir un cri de joie, quand ? Quand ?... Mais c'est sûr,
sa mère va dire non, ça va le vexer qu'on lui
propose…
« Ho ben ça si vous voulez, prenez-le, c'est à moi
surtout que ça fera des vacances, parce que attention avec
Lucas faut s'attendre à tout ! »
Lucas est soufflé, content mais soufflé, elle me largue
comme une vieille chaussette, pense-t-il ! Quelle… Non pas
insulter maman, et puis déjà il n'y pense plus,
il va partir avec mimi, mimi, Mireille ! Tralalalalala ! Il n'entend
plus rien, il chantonne dans sa tête, il est dans la stratosphère…
Ils sont dans la voiture, en route pour la montagne…Mireille,
son mari, Louisa et lui.
Lucas s'agite beaucoup, pas sûr de lui, il regrette presque
d'être là…Il trouve que « sa » Mireille
s'occupe trop de sa fille et de son mari, il la voudrait pour
lui seul ! Pourtant Louisa est plutôt très sympa, elle
est aussi forte que lui à la Game Boy , elle parle juste un
peu trop. Même le mari, Mattéo, Italien, grand costaud
au crâne tondu est sympa avec lui, malgré l'hostilité jalouse
manifeste de Lucas. Il fait un drôle de métier, ça
se dit énolog mais ça s'écrit pas comme ça,
il « fabrique » le vin, Lucas pensait que le vin c'était
du jus de raisin avec de l'alcool mais non ça se fabrique,
il dit « élabore »… Il rigole facilement,
n'arrête pas de lancer des vannes, mais pas agressives
(enfin pour Lucas, mais Louisa se pique de ces montées de
rage contre lui !). Lucas finit par se relaxer, bercé par
le défilement du paysage…Ils montent des routes en
lacet, c'est beau, des montagnes pelées et sèches
pas très hautes…
Puis la voiture s'arrête. Lucas se réveille, il
somnolait…C'est là… Une vieille maison
en pierres, un peu délabrée, mais grande et belle,
avec une vue dégagée sur la vallée, Lucas est
au paradis. Louisa l'entraîne de pièce en pièce,
lui fait tout visiter de la cave au grenier, ils ouvrent toutes les
fenêtres, pour aérer (quelle odeur délicieuse
de vieille baraque !), le soleil rentre à flots... « A
table » crie Mattéo…Il a préparé une énorme
omelette oignon pomme de terre en un temps record, avec du pain craquant
et du fromage, Lucas n'a jamais aussi bien mangé, autre
chose que le régime pizza-burguer qu'il suit chez sa
mère… « Juste pour se caler, vous devez être
morts de faim, ce soir on se fera un vrai repas » dit Mireille… « Un
vrai repas ? se demande Lucas, « et bé qu'est-ce
que ce sera ?? »…Après manger il se propose pour
faire la vaisselle, plein de bonne volonté, tout pour plaire à Mireille,
chez lui il serait déjà parti se planquer pour couper
court à la corvée…
« Nous allons partir faire les courses, profitez-en pour vous
promener, les enfants ! Louisa , tu montres les environs à Lucas
! » suggère Mireille. Lucas a bien perçu qu'il
s'agit plutôt d'un ordre, mais lui il est pour,
une campagne pareille à découvrir il va pas se faire
prier ! Louisa a l'air bien moins enthousiaste mais il s'en
fiche, si elle veut tirer la tronche c'est pas son problème.
Ils partent. Très vite c'est lui qui prend la tête
de l'expédition. Louisa suit, renfrognée, elle
n'aime pas la marche…Mais la joie de Lucas de découvrir
un nouvel environnement est si communicative, contagieuse, elle finit
par s'amuser elle aussi. Ils explorent le pays, rentrent dans
une grange, escaladent les tonnes de foin…Lucas trimbale Louisa
dans une brouette entreposée là…Elle est ravie,
rigole à se faire péter la boyasse ! Il s'amuse à décaniller
des bouteilles vides jetées dans un fossé avec des
cailloux… Lucas laisse charitablement Louisa tirer une rafale
de coups foireux avant de les pulvériser avec une précision
diabolique, chaque bouteille éclatée par un jet de
cailloux supersonique… La Louisa en bée d'admiration… Il
sent que sa cote monte, il est ravi.
Ils continuent leur balade, descendent sur le bord de la rivière.
« Tu sais faire des ricochets ? » demande Louisa.
S'il sait faire les ricochets…lui…Pendant qu'elle
s'escrime à lancer galet sur galet au hasard, il soupèse,
sélectionne la taille, le poids, le profil, bien plat dessous,
un peu bombé dessus… « Regarde ». Il jette
son galet idéal à une vitesse incroyable. Son poignet
et son index enroulé autour de la pierre ont impulsé une
rotation ultra rapide, le galet se rapproche de l'eau avec
un angle parfait, très important « l'angle d'attaque »…Un
premier rebond majestueux suivi d'une longue série de
sauts, dix, douze ? de plus en plus petits…et le galet se
pose, littéralement se pose sur la rive d'une petite île
au centre de la
rivière…
« Wouah ! » fait Louisa, lorgnée du coin de l'oeil
par un Lucas sûr de son effet… « Ha ben ça,
tu peux me montrer ? »
Alors lui il montre, le choix des galets, le lancer…Au bout
d'une demi-heure elle a progressé, elle bondit de joie à chaque
lancer réussi…Lucas n'est pas peu fier de pouvoir
transmettre son savoir, heureux de plus tenir le rôle du cancre
de service qui est le sien à l'école. Louisa
se découvre un super copain, peut-être bien aussi intéressant
que ses copines « inteloss »… Ils repartent le
long de la rivière. Lucas s'arrête devant une
petite falaise creusée dans le rocher, quand même une
bonne vingtaine de mètres d'à pic… « Je
te parie que je grimpe ça ! »
« T'es fou, c'est trop dur » répond
Louisa.
« Mais non, regarde » et il s'élance sur
les éboulis, au pied du roc vertical.
En fait l'escalade est facile, presque des marches, des belles
prises bien fermes, une formalité pour lui. Juste sous le
sommet un petit surplomb à passer. Lucas s'écarte
au maxi, repère de belles prises au-dessus de lui, visualise
l'action, les pieds là, les mains ici et il se lance,
précis, agile, vu du bas ça a l'air très
facile. Louisa tape des mains, lui crie bravo… Déjà il
dévale les éboulis en courant, revient à côté d'elle,
même pas essoufflé…
« Alors ? Pas mal non ? » Il roule un peu les mécaniques…
« Moi aussi j' y arrive » dit-elle.
_ Fais pas l'andouille, c'est dangereux.
_ Mais non, je t'ai vu, c'est facile, j'y vais
! »
Il a beau faire, il n'arrive pas à la dissuader. Elle
se vexe.
« Tu me crois pas cap' parce que je suis une fille, c'est ça
? »
Non c'est pas ça, pas vraiment, il pense que « les » filles
peuvent très bien y arriver, des fois, à faire ce genre
d'exercice, mais il a des doutes sur cette fille là !
Mais elle est trop testarde, plus il essaye de la retenir, plus elle
veut y aller.
« Bon, ok, mais fais ce que je te dis alors .
_ Non, je me débrouille » et la voilà partie.
Elle grimpe. C'est un peu « amateur », le placement
des pieds, elle se « tire » trop avec les bras mais elle
grimpe.
« Alors tu vois ? »
Il voit. Et il sait où ça va coincer : le surplomb.
Aïe aï aïe. Jamais elle passera le surplomb. Il se
ronge les ongles, sue d'angoisse… La voilà sous
le surplomb. Elle hésite, essaye de regarder en haut, ne voit
que du roc et le ciel bleu…Elle regarde en bas, réalise
la hauteur, et ce qu'il craignait arrive :
« Lucas, je suis coincée… » Un début
de panique dans la voix…
« Et merde je le savais ! »
« Ne panique pas, j'arrive. »
Il escalade, arrive à sa hauteur.
« Tu veux continuer ou redescendre ?
_ Je sais pas, je suis coincéééée… »
Elle gémit, elle grimace d'angoisse… Il réalise
qu'elle est complètement paniquée, jamais elle
pourra passer le surplomb, il faut descendre. Seulement il a beau
faire, lui indiquer où mettre les pieds, les mains, le moindre
mouvement pour elle est impossible, elle meurt de trouille. Il commence à paniquer
aussi, l'engueule, la menace de la planter là…Là pour
de bon elle se met à pleurer avec une plainte continue, désespérée.
Il s'en veut, il peut pas la laisser là, il faut qu'il
agisse.
« Ok, je vais te porter, accroche-toi à moi. »
C'est débile comme idée et si dangereux, mais
il sait plus quoi faire, n'arrive plus à penser. Comme
si elle n'attendait que ça, elle lui agrippe le cou,
ses jambes se crispent autour de la taille à Lucas.
« La vache, qu'elle est lourde, et puis elle m'étouffe,
je vais me casser la gueule ».
Alors il descend le plus vite possible, il peut à peine respirer,
en tous cas elle pleure plus, c'est déjà ça
! Il se concentre sur ce qu'il fait, ses pieds cherchant les
prises sûres, il peut pas se permettre de glisser, il sait
que jamais ses mains pourraient porter tout ce poids, alors il ne
s'appuie sur une jambe que quand il est sûr de son coup,
c'est long mais il descend, descend, Louisa est si lourde,
elle lui écrase la glotte avec ses doigts crispés…
Ca y est ils sont en bas, il pose les pieds sur les éboulis,
Louisa le lâche…et glisse en arrière dans la
pente, surprise par les pierres instables qui ont roulé sous
ses pieds. Elle essaye de s'agripper à Lucas, l'entraîne
dans sa chute « Mais quelle idiote, lâche-moi… ».
Il se rétablit de justesse mais elle…elle tombe, rebondit,
roule dans les caillasses, s'immobilise un peu plus bas…Il
la rejoint, mesure l'étendue de la catastrophe…Merde,
meeerrde ! Elle saigne de partout, de la tête, genoux, bras,
mais c'est pas le pire, il est fasciné par sa cheville
: deux énormes boules noires, bleues et jaunes se sont formées
de chaque côté du pied et ça c'est sûr
c'est de l'impossibilité de marcher garantie !
« Meeerrrde meeerrrde » c'est tout ce qu'il
arrive à penser…Louisa est hébétée
par le choc, ne dit rien…Et puis la douleur s'installe
en elle, irradie de partout, la cheville lançant des ondes
terribles qui surpassent toutes les autres sources de mal. Elle hurle,
secouée par d'énormes sanglots, à la limite
de la nausée…Lucas panique complètement, il
la hait, instantanément, « Ta gueule ! Tais-toi, mais
tais-toi »… Comment on peut se rétamer la gueule
comme ça, sur une petite chute ? Il faut qu'elle se
taise… Il s'approche d'elle, enragé par
sa maladresse, il faut qu'elle la boucle, il va…Et puis
il la voit, vraiment, son pauvre corps broyé, sa peur, sa
douleur et il fond de compassion, il se voit à sa place, cassé incapable
de marcher, loin de la maison.
« Ecoute, essaye de tenir un peu, ça va aller, je vais
chercher du secours, il va falloir m'attendre mais je fais
vite ».
Il arrange les cailloux pour qu'elle puisse s'allonger
un peu, essaye de la calmer. Il se creuse la tête pour la tirer
de là, il peut quand même pas la porter, elle est trop
lourde…Puis il a une idée, son esprit pratique reprend
le dessus.
« Ecoute, reste calme, dans un quart d'heure je suis
là, ça va aller ? »
Elle lui sort un pauvre oui entre deux sanglots.
« Je reviens. »
Il part en courant, il vole entre les buissons, sur les sentiers.
Il sait où il va…La grange. La brouette à foin.
Il empile des vieux sacs de blé dessus. Fonce. Retrouve Louisa
toujours en pleur mais le simple fait de le revoir la calme un peu.
Il lui ménage un siège à peu près confortable
avec les sacs sur la brouette. . la porte « Ouch mais qu'elle
est lourde ! », l'installe du plus confortablement qu'il
peut…
« Et maintenant, ambulance ! PIN PON PIN PON… » chante-t-il
et il pousse, pousse…Quand le terrain est bon il court… Quand
c'est chaotique il ralentit pour pas trop la secouer. Louisa
en oublie presque sa douleur, rigole même. Elle est sciée
par la force de Lucas, il la pousse d'une traite jusqu'à la
maison, sauf dans la dernière montée où il s'accorde
une pause rapide. Il la porte « La vache, qu'elle est
lourde ! » dans sa
chambre. Il essaye de la panser comme il peut, il n'ose pas
trop la toucher de peur de re-déclencher de l'hyper
douleur… Il installe son pied tordu en hauteur, sur des coussins…
« Ca va ? Je reviens, je dois ramener la brouette, pas qu'on
croie que je l'ai volée… »
Il repart à fond la caisse, arrive à la grange, manoeuvre
pour ranger la brouette…
« Stop, laisse cette brouette où tu l'as prise
! »
Un paysan surgit, l'air pas commode, rouge comme une brique.
« Voleur, je vais te montrer… »
Lucas décanille à fond de ballon, « Merde merde
merde , tout le monde va m'accuser d'être un voleur »,
ses vacances tournent au cauchemar… Il court à la maison,
arrive juste quand Mireille repart en voiture, Louisa à l'arrière
qui lui fait un petit signe… Son père est sur le pas
de la porte mais il a plus l'air sympa du tout, en fait il
a l'air terriblement menaçant, grand et costaud, pas
commode, ses yeux lancent des éclairs.
« Ha te voilà, ça va pas d'abandonner Louisa
dans cet état ? Où t'étais passé ? »
Lucas sent une boule dans sa gorge, la rage et le désespoir
le submergent « Mais non, je l'ai pas laissée,
enfin…si…mais… » Les mots se bousculent…
« Viens m'expliquer ça ! » ordonne Mattéo.
Lucas panique, jamais il va pouvoir parler à ce colosse, il
lui fait trop peur…Il part en courant, fuir, FUIR hors de
cette baraque, il a la tête qui tourne, il se sent groggy…Pour
une fois que tout allait bien… « Ho, pourquoi MOI ?
Je le savais jamais ça pourra aller bien, c'est pas
pour moi, c'était trop beau… »
Mattéo l'apostrophe :
« Reviens ici, Lucas. Fais pas l'andouille. Où tu
crois aller ! Lucas ! »
Mais il court, court à perdre haleine, disparaît dans
les buissons, il ne s'arrête pour souffler que quand
il est sûr de ne plus être en vue.
Alors il se jette par terre, sûr de n'être plus
trouvé, et se laisse aller, les vannes s'ouvrent et
il pleure, pleure, le désespoir l'étouffe, il
hoquette… Il voit toute l'étendue de la catastrophe,
la Louisa qui va le rendre responsable de l'accident pour s'éviter
l'engueulade, le fait qu'il l'ait « abandonnée » à la
maison, il va passer pour l'irresponsable total…et surtout,
le voisin hargneux qui l'accusera d'essayer de voler
chez lui… Le désastre est complet…
A force de pleurer il se retrouve à sec de larmes, calmé mais
toujours désespéré… Il se rapproche en
catimini de la maison, faisant bien gaffe à pas se faire remarquer
par le Mattéo qui coupe des bûches devant la maison.
Lucas ne peut pas s'empêcher d'admirer en connaisseur
: il te fend des bûches monstrueuses en seul coup d'une
immense hache, un moulinet parfait de tout le torse, « Pétard,
qu'il est fort », pense-t-il. TCHAC. Une autre bûche…TCHAC… Une
vraie machine… Lucas ne regrette pas sa fuite, tomber dans
les pattes de ce colosse, bonjour ! Le jour baisse, ça doit être
tard, Lucas réalise qu'il a faim, enfin il est affamé,
il crève la dalle, oui ! Tu parles, quand il pense à son
après-midi, il y a de quoi ! Il se dit qu'il doit pas
avoir beaucoup d'enfants de son âge capables de fournir
autant d'efforts… Mais bon, ça le nourrit pas,
tout ça… Boudiou qu'il a FAIM !
Un bruit de voiture. C'est Mireille et Louisa qui rentrent… Louisa
pleine de bandages et de pansements, le pied avec une attelle en
fer. Son père la porte à l'intérieur.
Lucas se sent bien seul tout d'un coup. Qu'est-ce qu'il
va faire dans son buisson ? Il fait pas froid mais quand même…Et
puis il a si faim ! Son pauvre estomac lui envoie des signaux impératifs
sous forme de crampes violentes… Le temps passe, une éternité… Puis
Mireille ressort et l'appelle « Lucas, …Lucas…je
sais que tu es là, rentre fais pas l'idiot… »
Comment elle sait ça, elle ? Lucas est un peu vexé… Elle
re-disparaît à l'intérieur… Lucas
se sent très très très seul… Mais il
n'ose pas rentrer. C'est vrai qu'elle n'avait
pas l'air trop hostile. Il entend des rires dans la maison
! Des RIRES ! Là, il est très très très
vexé !
« Les enfoirés, ils se marrent et moi je suis là comme
un coui..on ! ».
Pas question, mais pas question de rentrer, du coup ça lui
coupe l'envie. Il se lève pour s'éloigner,
plus les entendre, c'est trop pénible. Aïe, son
estomac, ho qu'il a faim !
Mattéo apparaît sur le seuil, il porte Louisa dans ses
bras, comme si elle pesait rien ! Mais quel colosse ! Louisa tient
un papier à la main, elle se met à lire :
« Oyez oyez :
Avis pour certains qui pourraient se cacher dans certains buissons
pas loin du grand chêne et qui pourraient être tenaillés
par une faim de loup. Voici le menu du soir, le repas sera servi
dans 45 minutes :
En plat : le poulet mariné aux épices grillé au
feu de bois accompagné de ses frites dorées et croustillantes
En dessert : le flan maison parfumé à l'orange
Le plateau de fromage et les fruits des bois à la crème ».
Ils disparaissent dans la maison en riant… Lucas est alors
victime d'un phénomène inexplicable tout à fait
sidérant : sa tête veut partir de cette maison où on
se moque de lui ouvertement, ses jambes par contre suivent les ordres
impératifs de son estomac et l'entraînent vers
la maison. Il arrive à la porte, hésite, ne voit personne,
fait deux pas dans la pièce…VLAM ! la porte se referme,
poussée par Mattéo caché derrière, Louisa
et Mireille écartent le rideau de la cuisine…
« Le retour du héros » Mireille se jette sur lui,
le couvre de bisous… Lucas ne comprend rien, se laisse faire…
« Louisa nous a tout raconté, comment tu l'as
sauvée, secourue, consolée, heureusement que tu étais
là, elle aurait pu se tuer… ! »
Lucas n'en croit pas ses oreilles, ils ne l'engueulent
pas, mieux ils le félicitent.
« J'ai tout raconté, comment j'ai voulu
grimper à la falaise, comment je suis restée coincée
sous le surplomb, et tu m'as tirée de là, l'ambulance
en brouette… » Louisa lui sourit, pleine de pansements,
de bleus, le pied immobilisé par une sorte d'échelle
en fer. La pauvre grimace à chaque mouvement. Lucas connaît
les après-cassage de figure, il a beaucoup donné lui-même,
il compatit…
« Mais quel Hercule tu fais » lui dit Mattéo « te
porter la Louisa sur des distances pareilles, même avec une
brouette, chapeau ! »
La brouette ! Lucas avait oublié le paysan :
« Le voisin croit que j'ai essayé de la voler…
_ Je vois, t'as eu à faire à cette vieille teigne
de Félicien ! Bon ça va encore me coûter une
bouteille de gnole pour l'apaiser… de toutes façons
y'a que ce vieux poivrot pour apprécier un tord boyau
pareil » dit Mattéo. « Bon allez, à table »,
dit Mireille, « tu vas tout nous raconter pendant qu'on
mange, après tu te prendras un bon bain, t'en as besoin
! »
Et Lucas se fait pas prier, il raconte, raconte, le soulagement l'engourdit, ça
va aller, les vacances vont continuer, et il mange, mange, se goinfre
comme jamais, tout est bon, il
engloutit des quantités hallucinantes de nourriture, reprend
de tout, se gave… A la fin il n'en peut plus, repus,
comblé…
« Je te fais couler un bon nain moussu, Louisa tu vas te coucher, ça
réchauffera le lit pour Lucas… »
Quoi, il va dormir avec…une fille ? Beurk, il est pas trop
content de la surprise, mais il a peur de les vexer en se plaignant,
il dit rien, au fond ça lui est égal maintenant, il
est sur un petit nuage, peinard… La baignoire est immense,
l'eau chaude à souhait, la mousse parfumée… C'est
le premier bain dans la vie de Lucas, chez lui il n'a connu
qu'une vieille douche. Quelle volupté… Mireille
entrebâille la porte :
« Tu veux que je te lave les cheveux ? » S'il veut
que… deux mains expertes le shampouinent, le triturent… Si ça
c'est pas le paradis, pense-t-il…
« Allez sors de là, viens que je te sèche les
cheveux ». Oui, oui, oui, séchés les cheveux
par Mireille, allons-y…il en ronronnerait presque, l'idée
le fait rire…
« C'est bon, va dormir, fais doucement, Louisa dort déjà, à demain. »
Une dernière bise, il se glisse dans la chambre des enfants,
se coule sous les couvertures à côté de Louisa,
content qu'elle dorme déjà. Elle ronfle ! HIHIHIHI,
elle ronfle, Lucas aurait jamais imaginé que les filles ronflent,
pensait que c'était réservé aux gros adultes
répugnants… Il est envahi par un sentiment nouveau,
tout doux, pour Louisa, elle l'a tellement surpris aujourd'hui,
elle a tellement assuré, gentille, fiable, honnête,
il se sent si heureux d'être allongé là à côté d'elle,
il se serre un peu, sent sa chaleur…il la touche, doucement… C'est
doux, dodu, en fait pas aussi idéalement dodu que Mireille
mais ça va elle est quand même pas maigre…
Lucas pense de plus en plus mollement… il fait noir, pas de
lumière, pas de bruit, juste le petit ronflement de Louisa…et
pour la première fois depuis si longtemps Lucas dort…dort…dort…
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